BAIL COMMERCIAL : projet de loi PINEL

 

Plus de simplicité et de souplesse pour les petites entreprises. Telle est la promesse de Sylvia Pinel à travers son projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises actuellement en discussion à l'Assemblée nationale. Un texte qui ne se contente pas de réformer le régime des auto-entrepreneursLe bail commercial se trouve lui aussi profondément remanié. Si le texte peut encore être retouché au Sénat, la lecture des amendements relatifs à la location de locaux à usage commercial a pris fin ce jeudi 13 février 2014. Le tour des changements à venir. 

1. Extension du régime dérogatoire

 

Par principe, les baux commerciaux doivent être conclus pour une durée minimale de neuf ans. Cependant, le code du commerce prévoit un régime dérogatoire, précisé à l'article L145-5. Jusqu'à présent, il était en effet possible de conclure un contrat de deux ans, sans possibilité de renouvellement. Pour donner davantage de souplesse, le projet de loi de Sylvia Pinel propose d'étendre l'applicabilité de ce régime d'exception aux contrats de bail commercial de trois ans maximum. Passé ce délai, le locataire pourra prolonger le contrat, cette fois en vertu du régime classique. 

2. Fin des exceptions au congé triennal

 

Un amendement déposé par les députés Laurent Grandguillaume et Thierry Mandon, adopté à l'Assemblée, a par ailleurs supprimé de la loi la possibilité d'exclure par convention entre les parties le congé triennal. En effet, il peut aujourd'hui être mis fin à un contrat de bail commercial classique tous les trois ans, en respectant un délai de préavis de six mois et les formalités inscrites à l'article L145-9 du code de commerce

Sur ce point, Sébastien Robineau, avocat associé au sein du cabinet Homère, se montre critique. "La situation était simple avant l'adoption de ce texte (...) Le locataire et le propriétaire pouvaient s'entendre sur une éventuelle renonciation du locataire à invoquer sa faculté de résilier tous les trois ans son bail commercial. Il suffisait alors de le mentionner dans le contrat de bail. Celui-ci devenait alors un bail ferme sur au moins six années, voire ferme sur une durée de neuf années. Désormais, la situation nouvelle est toute simple. Le locataire ne peut plus renoncer à cette faculté de résilier tous les trois ans son bail commercial." 

Ce qui pour lui, n'est pas sans incidence pour le locataire. "Ces parlementaires ont probablement oublié que le locataire, proposant à son futur bailleur de renoncer à sa faculté de résilier tous les trois ans son bail commercial, disposait d'un levier financier sans précédent, surtout en cette période de difficultés économiques. En échange de cette renonciation et selon les villes dans lesquelles l'immeuble concerné est implanté, il était d'usage d'obtenir une franchise de loyer d'un montant variant entre un mois et un mois et demi par année ferme d'engagement. En d'autres termes, un locataire s'engageant sur une durée ferme de six années pouvait obtenir entre six et neuf mois de franchise de loyer."  

3. Définition de la convention d'occupation précaire

 

La convention d'occupation précaire est une notion jurisprudentielle. Ces contrats échappent à toutes les règles traditionnelles du code du commerce du fait de ses particularités. En effet, les circonstances rendent impossible pour des raisons bien précises la conclusion d'un contrat de bail traditionnel. Soit pour un motif légitime (immeuble bientôt démoli par exemple), une durée contractuelle trop brève (ex : à cause d'une procédure d'expropriation). Cette précarité doit forcément être compensée par un loyer modique. 

4. Garantir les mêmes droits aux commerçants étrangers

 

À ce jour, la loi ne laisse pas la possibilité aux commerçants de nationalité étrangère de se prévaloir du droit au renouvellement de leur bail commercial. Un amendement déposé et adopté en Commission des affaires économiques, déposé par la majorité présidentielle à l'Assemblée, vise à abroger les articles L145-13 et L145-23 du code de commerce. La Cour de cassation, dans un arrêt du 9 novembre 2011, avait estimé que ces dispositions constituaient "une discrimination prohibée par l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales". 

5. Plafonnement de la révision des loyers

 

Il s'agit là de l'une des dispositions majeures du projet de loi Pinel en matière de bail commercial. En effet, dans le cadre de la révision du loyer à la fin des neuf ans de contrat ou au moment de la révision triennale, le bailleur ne pourra plus imposer au locataire une hausse du loyer supérieure à 10% du dernier loyer acquitté. Une mesure qui inquiète les professionnels de l'immobilier, qui estiment que le bailleur ne pourra plus forcément s'aligner sur les prix du marché, si ces derniers s'avèrent nettement supérieurs. Il restera toutefois possible pour les parties au contrat de bail commercial de déroger à ces prérogatives en insérant une clause contraire dans le contrat, de même que les baux des locaux monovalents ou à usage exclusif de bureaux ne sont pas concernés. 

Autre point portant sur la révision des loyers : l'indice du coût de la construction ne pourra plus servir de baromètre pour établir la hausse du loyer. Dans ce cas, la loi obligera désormais le bailleur à se baser sur l'indice des loyers commerciaux et par l'indice des loyers des activités tertiaires pour les indices de référence . 

6. Réalisation de l'état des lieux

 

Le projet de loi Pinel prévoit de créer un article L145-40-1 dédié à la prise de possession des locaux commerciaux par le locataire. Le texte dispose qu'un état des lieux devra être effectué par les deux parties ou à défaut par un tiers mandaté par elles. Sinon, un huissier de justice sera chargé de cette tâche, "à frais partagés entre bailleur et locataire". 

7. Le bailleur devra évaluer les charges et impôts dus par le locataire

 

Nouvelle disposition, l'article L 145-40-2 du code de commerce oblige le bailleur à dresser un inventaire précis et limitatif des charges et des impôts qui seront dus par le locataire au titre de l'occupation des locaux commerciaux. Cette information devra être assurée chaque année. Mais encore, il devra estimer les travaux devant intervenir dans les trois ans à venir au moment de la prise de possession ainsi qu'au début de chaque période triennale. Ces dispositions devraient être précisées par décret après promulgation de la loi. 

8. Droit de préférence du locataire en cas de vente de l'immeuble

 

L'article 6 du projet de loi de Sylvia Pinel consacre dans le code de commerce un droit de préférence en faveur du locataire dans le cas où le propriétaire déciderait de vendre son bien immobilier. Dans ce cas, son projet de vente devra être notifié au locataire par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre. Le locataire disposera dès lors d'un mois pour se décider. Si sa réponse est positive, il disposera alors de deux mois pour conclure l'opération. Les locataires pourront profiter de ce droit de préférence six mois après la promulgation de la loi. 

9. Expérimentation du contrat de revitalisation commerciale

 

Le projet de loi déposé par Sylvia Pinel propose de créer une nouvelle forme de contrat de bail commercial. Cette expérimentation, lancée pour une durée de cinq ans, vise à "offrir aux élus la possibilité d'intervenir en matière de dynamisme commercial sans lien direct avec une opération d'aménagement". Concrètement, un opérateur pourra être chargé par l'État, les collectivités locales ou des établissements publics d'acquérir des immeubles avant de "procéder à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre de son intervention". Charge à lui de respecter des objectifs de "diversification, de développement et de réhabilitation de l'offre commerciale".


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